Mon manifeste de participation à un podcast ou autre émission vidéo ou audio

J’ai déjà participé à plusieurs épisodes de podcasts ou émissions vidéos ou audios dont vous trouverez la liste sur cette page si cela vous intéresse. Et je me dis qu’il est temps pour moi de publier mon manifeste de participation à ces émissions afin de partager plus explicitement mes attentes en ce qui concerne l’accessibilité pour moi qui participe, et pour les autres qui assistent.

Si vous m’invitez dans votre émission, il y a de fortes chances que ce soit pour parler d’accessibilité pour les personnes handicapées. Par conséquent, si vous n’êtes pas prêt ou prête à faire l’effort de rendre au minimum l’épisode qui parle d’accessibilité accessible, c’est que nous ne pouvons pas travailler ensemble.

Mais vous l’êtes, n’est-ce pas ? Parce que vous avez compris ou allez comprendre que l’accessibilité est un droit fondamental pour les personnes handicapées. L’accessibilité n’est pas une option ni une mode. Si on fait le choix d’en parler, c’est parce qu’on veut apprendre à bien faire ou partager la connaissance pour que tout le monde puisse bien faire ensuite.

Je rappelle donc, en préambule et à toutes fins utiles, que l’(in)accessibilité est politique.

Je participerai à votre podcast ou émission uniquement si vous vous engagez fermement à respecter scrupuleusement ces points que je liste d’abord comme une version résumée (ou un sommaire) et que je détaille ensuite.

  1. Les questions me seront fournies et ce au minimum 7 jours en amont ;
  2. Les questions seront formulées clairement ;
  3. Aucune musique ne se superposera aux paroles ;
  4. La diffusion ne sera pas qu’audio et/ou vidéo mais avec sous-titrage et/ou transcription textuelle ;
  5. Tout épisode audio uniquement sera téléchargeable en MP3 ;
  6. Le partage de l’épisode sur les réseaux sociaux se fera de façon accessible.

N’ayez pas peur ; je vous en dis plus ci-dessous et nous pouvons en discuter plus en détails ensemble.

1. Les questions me seront fournies et ce au minimum 7 jours en amont.

Les questions que vous me poserez lors de l’enregistrement ou du direct me seront fournies et ce au minimum 7 jours en amont. Je ne veux pas d’un brief un peu vague ; j’ai réellement besoin de vos questions.

Vous pourrez, bien sûr, rebondir sur ce que je dis en ajoutant des questions en direct pour approfondir certains points. Mais, il est nécessaire que j’aie les questions prévues afin de me préparer correctement. J’ai besoin de temps pour bien assimiler, comprendre les questions afin de ne pas répondre à côté. J’ai également besoin de préparer des notes même si je connais bien mon sujet et que j’en ai déjà parlé mille fois.

2. Les questions seront formulées clairement.

Lorsque vous me posez des questions, veillez à les formuler clairement : une seule question à la fois, pas trop longue, explicite (évitez l’implicite et le second degré). C’est d’autant plus important s’il s’agit d’une question en rebondissement à ce que je dis et que je n’ai donc pas préparée. Si vous mettez trop d’informations ou des informations peu claires dans vos questions, je vais en oublier la moitié et répondre à côté.

3. Aucune musique ne se superposera aux paroles.

Pendant le montage, aucune musique ne devra être superposée aux paroles afin de permettre d’entendre et de se concentrer sur les propos. C’est très important pour les personnes ayant un handicap auditif ou cognitif.

Ou alors, vous proposerez une version audio alternative sans la musique mais l’accessibilité par défaut, c’est toujours mieux.

4. La diffusion ne sera pas qu’audio et/ou vidéo mais avec sous-titrage et/ou transcription textuelle.

L’émission devra être diffusée de façon accessible pour les personnes sourdes ou malentendantes, aveugles ou malvoyantes, sourdes-aveugles, ayant un handicap cognitif, etc.

Les contenus diffusés en direct

Pour les contenus diffusés en direct, ils devront au minimum être rendus accessibles après l’enregistrement pour la diffusion en différé (voir point suivant).

N’hésitez pas, malgré tout, à vous renseigner sur la vélotypie qui permet la transcription en direct. Des entreprises spécialisées proposent ce service (si vous avez les moyens financiers, il faut vraiment considérer cette possibilité). Certains outils permettent également le sous-titrage automatique en direct mais ça n’est pas satisfaisant car tous les propos ne sont pas retranscrits fidèlement et il y a des erreurs importantes qui entraînent forcément des incompréhensions.

Les contenus diffusés en différé

Pour les contenus diffusés en différé, selon le type de contenu, ils doivent avoir au minimum des sous-titres ou une transcription textuelle :

  • Si ce sont des contenus uniquement audio : ils devront avoir une transcription textuelle (notamment pour les personnes sourdes, malentendantes ou sourdes-aveugles) ;
  • Si ce sont des contenus vidéo et audio : à minima, ils devront avoir des sous-titres synchronisés (pour les personnes sourdes ou malentendantes). Dans l’idéal, ils auront également une transcription textuelle, notamment pour les personnes sourdes-aveugles. La transcription est parfois nécessaire pour les personnes aveugles ou malvoyantes également si des informations visuelles sont transmises uniquement par l’image. Je considère, pour ma part, la transcription textuelle comme une nécessité dans tous les cas. Selon votre statut, on peut éventuellement discuter d’arrangements tels que : vous gérez d’abord les sous-titres et, ensuite, je gère la transcription textuelle.

Si vous en avez les moyens financiers, que les contenus soient diffusés en direct ou en différé, vous pouvez aller plus loin en mettant également en place une interprétation en langue des signes (on parle de LSF pour la Langue des Signes Française). Il est absolument requis que ce soit des professionnelles qui interprètent pour ne pas avoir une interprétation de mauvaise qualité.

Détails sur le sous-titrage et la transcription textuelle

Pour les sous-titres ou la transcription textuelle, il est possible de partir d’un outil qui le fait automatiquement mais il faudra nécessairement relire et corriger. Les sous-titres ou transcriptions automatiques sont une aide mais ne sont pas accessibles en tant que telles.

Les tics de langage peuvent être retirés mais le texte doit reprendre fidèlement les propos. Les sons porteurs d’information doivent également être retranscrits. De même, s’il s’agit d’une vidéo et que des informations sont données par l’image, celles-ci doivent être retranscrites.

Dans l’idéal, les sous-titres ne sont pas incrustés dans la vidéo afin de permettre de les masquer, de changer leur apparence selon les besoins de la personne et de les corriger facilement si une erreur s’y est glissée.

Pour la transcription textuelle, voici quelques points complémentaires :

  • La transcription textuelle restitue par écrit le contenu audio. Lorsqu’il s’agit d’un contenu vidéo, si des informations sont données visuellement dans la vidéo (une personne qui montre quelque chose, qui fait un geste particulier qui fait réagir les autres, etc.), alors elles doivent figurer également dans la transcription textuelle car les personnes aveugles n’auront pas l’information autrement ;
  • Il faut ajouter le nom de la personne qui parle à chaque fois, avant de retranscrire son propos sinon, il est impossible de suivre la discussion ;
  • Si possible, structurez le contenu avec des titres pour que le contenu puisse être un peu plus digeste, lu en plusieurs fois éventuellement, etc. ;
  • Il ne s’agit pas d’un résumé ;
  • Elle doit être publiée sur un site un minimum accessible où on peut mettre du contenu sémantiquement structuré avec un code HTML correspondant (titres, listes, etc.) : Notion et Coda ne sont donc pas utilisables… ;
  • Un lien vers la transcription doit être présent sur toutes les plateformes où l’épisode est disponible.

Je ne vous le cache pas, faire des sous-titres et/ou une transcription, c’est long même si on s’aide des outils d’automatisation. C’est le point le plus complexe de ce manifeste. Mais si vous ne souhaitez pas exclure/discriminer toute une partie de la population, c’est nécessaire.

Il y a des personnes dont c’est le métier donc vous pouvez tout à fait payer les services d’une entreprise qui peut assurer la vélotypie, réaliser la transcription textuelle ou les sous-titres pour vous si vous n’avez pas le temps de le faire correctement. Il faut prévoir un peu de budget pour ça, renseignez-vous. Si le podcast est réalisé de façon bénévole, non attaché à une entreprise privée, vous pouvez probablement solliciter des dons pour rendre accessibles les épisodes, par exemple.

5. Tout épisode audio uniquement sera téléchargeable en MP3.

Tout épisode audio uniquement doit pouvoir être téléchargé au format MP3 via un lien sur la page car les plateformes de podcasts ne sont généralement pas accessibles, notamment aux personnes aveugles. De plus, cela permettra d’ajuster la vitesse de lecture ou le son plus facilement.

6. Le partage de l’épisode sur les réseaux sociaux se fera de façon accessible.

Le partage de l’épisode sur les réseaux sociaux se fera de façon accessible :

  1. Dans votre message, vous n’utiliserez pas de caractères fantaisistes Unicode pour faire du gras ou de l’italique car ils rendront votre propos totalement inaccessible. En effet, ce sont des caractères mathématiques et les mots écrits ainsi ne seront pas lus comme tels par les lecteurs d’écran utilisés notamment par les personnes aveugles ;
  2. Les réseaux sociaux ne permettent pas de faire en sorte qu’une image décorative soit marquée comme telle et donc ignorée par les lecteurs d’écran. En conséquence, si vous mettez une image d’illustration, elle devra contenir une alternative textuelle. Si l’image contient du texte, mettez ce texte dans votre message texte, et non dans l’alternative, pour qu’il soit réellement accessible ;
  3. Si vous diffusez un extrait audio ou vidéo, il doit disposer de sous-titres et/ou d’une transcription textuelle :
    1. S’il s’agit d’un extrait audio, il devra avoir une transcription textuelle ;
    2. S’il s’agit d’un extrait vidéo, il devra avoir, au moins, des sous-titres synchronisés voire, en plus, une transcription textuelle.

Si vous m’invitez à participer à un podcast, une émission, vous vous engagez à respecter scrupuleusement cette charte, sans dérogation car l’accessibilité est fondamentale.

Si vous ne savez pas comment vous y prendre, je peux vous informer et vous aiguiller, répondre à vos questions. On peut discuter ensemble des façons de procéder.

Vous trouverez également une liste de ressources sur l’accessibilité des multimédias dans mon wiki.

P.S. : Il est possible que ce manifeste soit modifié avec le temps.

3 commentaires sur « Mon manifeste de participation à un podcast ou autre émission vidéo ou audio »

  1. Merci pour ce manifeste.
    Je pense qu’en indiquant que vous vous lancez sur un podcast accessible ou que vous souhaitez interviewer une personne handicapée, il faudra de toute façon respecter ces règles. À tous les podcasteurs, lancez-vous vous verrez, c’est peut-être pas évident au début mais après, c’est une nouvelle corde à votre arc que vous pourrez utiliser.

  2. Salut Julie,
    Je découvre cet article hyper intéressant (comme toujours) ! Je le trouve pertinent également pour n’importe quelle personne qui voudrait créer un podcast.
    Je me pose une question : quand tu parles du partage sur les réseaux sociaux, tu dis que les réseaux sociaux ne gèrent pas correctement le cas des images décoratives. J’en déduis que tu dois donc ajouter une alternative sur toutes les images (podcast ou pas podcast), même décoratives… mais que mets-tu dans l’alternative dans ce cas ? Décris-tu l’image ou indiques-tu que l’image est décorative ?
    Je te remercie par avance pour ton retour. Bonne soirée, Chloé

  3. Salut Chloé !

    Merci pour ton retour. Très bonne question. C’est un sujet que je souhaite aborder en détails dans un futur article mais il se passe toujours un certain temps entre le moment où j’ai l’idée et le moment où j’arrive à écrire et publier 😅

    Effectivement, sur les réseaux sociaux, on se retrouve à devoir mettre une alternative à l’image peu importe qu’elle soit décorative ou non. Certaines personnes disent qu’il faudrait indiquer « image décorative » dans l’alternative. Personnellement, je ne suis pas d’accord avec ça parce que, d’une part, une personne aveugle sera donc au courant qu’il existe une image et on lui dit explicitement Nan, t’inquiètes, c’est pas important ; ce que je trouve un peu violent. D’autre part, si une personne, dans les commentaires, commente finalement l’image, celle-ci n’est alors plus du tout décorative et une personne aveugle ne comprendra pas forcément la discussion. Du coup, autant décrire l’image (pas dans les moindres détails non plus ; il faut parler des points essentiels seulement car une alternative de 10km n’est absolument pas souhaitable).

    À bientôt !

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